"La Vie Hospitalière"

jeudi 15 avril 2010

AP-HP : un rapport trop accablant pour être honnête!...

Le rapport de la chambre régionale des comptes d’Ile-de-France sur l’organisation des soins à l’Assistance publique-Hôpitaux de Paris (AP-HP), qui vient d’être rendu public, fait déjà beaucoup parler de lui.

Il survient dans un contexte de grande tension, et sera certainement utilisé par ceux qui pensent qu’en supprimant du personnel, on arrivera à retrouver l’équilibre budgétaire sans altérer la qualité des soins. En réalité, ce rapport, qui contient énormément d’informations même si son analyse s’arrête à 2007, met l’accent sur des différences entre l’AP-HP et les autres CHU, et sur des différences entre divers hôpitaux situés au sein l’AP-HP.

Le Mouvement de défense de l’hôpital public (MDHP) remarque déjà que certaines affirmations contenues dans ce rapport sont particulièrement contestables.

En psychiatrie, faut-il mettre deux malades dans le même lit ?

Je prends pour exemple ma spécialité, la psychiatrie. Il est dit dans ce rapport, à la page 15 :

« Pour la psychiatrie, l’AP-HP a peine à augmenter significativement son activité d’hospitalisation. »

C’est une affirmation parfaitement stupide dans la mesure où le taux d’occupation des lits en psychiatrie à l’AP-HP est proche de 100 % depuis de très nombreuses années, avec des listes d’attentes parfois très longues.

A moins de mettre deux malades dans le même lit, on ne voit pas comment « augmenter significativement » l’activité d’hospitalisation.

Ce genre d’affirmation fait planer quelques doutes sur le sérieux de ce rapport qui relève d’une approche purement quantitative et nécessairement réductrice, sans prise en compte de la réalité du terrain et sans dialogue avec les personnes ou les structures mises en cause.

La moitié de la recherche française s’effectue au sein de l’AP-HP

L’accent a été mis sur les sureffectifs qu’il y aurait à l’AP-HP, notamment les sureffectifs en personnel médical. Si on compare l’AP-HP aux autres CHU, le taux de sureffectifs n’est pas de 44% comme l’indique Le Parisien, mais de 11,6% comme l’indique le rapport à la page 28.

Si l’on consulte la base statistique annuelle des établissements du ministère de la Santé, en 2008 il y avait un médecin pour 2,87 lits à Lyon, un pour 2,52 lits à Marseille et un pour 2,91 lits à l’AP-HP. L’AP-HP est donc dans une situation analogue à celle des CHU des grands centres urbains français.

Parallèlement, il est rappelé que 50% de la recherche médicale française se fait à l’AP-HP et, si l’on regarde les travaux publiés dans les dix revues les plus prestigieuses, ce pourcentage s’élève à 73%.

Le rapport ne mentionne pas les nombreuses missions d’expertises nationales ou internationales effectuées par des médecins de l’AP-HP. Bref, la différence en terme de densité médicale n’est pas si criante que ce que l’on voudrait le laisser croire.

Quand à l’AP-HP, on fait une première mondiale de thérapie génique, comme cela a été le cas récemment à l’hôpital Saint-Vincent de Paul, il va de soi que ce n’est pas une activité « rentable » pour l’hôpital et que cela « consomme » beaucoup de temps médical, mais c’est, pour les progrès de la médecine, une étape marquante.

Ce cas extrême illustre très bien les limites de l’approche purement quantitative retenue dans ce rapport, dont l’analyse est en partie obsolète puisqu’elle s’arrête à 2007.

10% de personnel administratif en plus, dont 40% pour la direction

Plusieurs passages du rapport concernent l’administration de l’AP-HP, en particulier son administration centrale :

« Les charges que représentent les services du siège de l’AP-HP ont été valorisées à hauteur de 65 millions d’euros et celles relatives à la mise en place du schéma cible à 11 millions d’euros. On peut donc considérer que le coût du pilotage de l’ensemble de l’institution est de 76 millions d’euros en 2007.

Il est cependant difficile d’apprécier la valeur ajoutée des structures qui y participent, notamment en raison de l’existence parallèle des directions fonctionnelles de plein exercice au sein de chaque hôpital. »

Cette dernière réserve montre bien que le fonctionnement administratif est très pesant pour des performances difficiles à saisir. Par ailleurs, les ratios d’effectifs en fonction de l’activité de l’ensemble des CHU montrent qu’à l’Assistance publique on trouve 10 % de personnel administratif en plus, dont 40 % pour les personnels de direction.

Il y a, à l’évidence, un problème de gouvernance à l’Assistance publique avec une administration pléthorique, une bureaucratie lourde qui handicape le fonctionnement de l’institution. Les prises de décisions répondent à des processus opaques, longs, coûteux, parfois incohérents.

La rénovation de l’AP-HP, une priorité

La direction générale de l’AP-HP essaie de résoudre la crise que traverse l’institution de façon purement comptable par des suppressions massives d’emplois (3 000 à 4 000 d’ici 2012) et un rationnement des soins. Cette politique est inadaptée aux enjeux. Les malades sont souvent accueillis dans des locaux trop vétustes ou dispersés.

Un vaste plan d’investissement est nécessaire pour rénover nos établissements, regrouper les locaux et en bâtir de neufs afin de mieux rationaliser les soins, d’adapter les hôpitaux aux progrès de la médecine et aux besoins de la population. Cela permettra un meilleur accueil des patients et de meilleures conditions de travail pour le personnel.

Il faut se garder de toute interprétation sensationnaliste de ce rapport, intéressant mais critiquable et réducteur.

Le MDHP y répondra de façon approfondie.

Professeur Bernard Granger
Psychiatre et Membre fondateur du Mouvement de Défense de l’Hôpital Public (MDHP)

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