"La Vie Hospitalière"

jeudi 23 août 2012

Les ressources de la Terre s'épuisent dangereusement ! Il y a urgence !

Ce mercredi 22 août est le 235 ème jour de l'année, il est le premier jour du dépassement de la consommation annuelle des ressources de notre planète.
Selon les calculs de l’ONG Global Footprint Network (GFN), le monde a consommé en 234 jours les ressources naturelles produites par la Terre en un an ! 
Un constat : chaque année, la date du "dépassement", avance! (2) 
Face à cette menace importante de déséquilibre planétaire en ce qui concerne nos ressources il est bien évident de modifier nos comportements, mais n'allons pas trop loin non plus car il convient de s'attaquer aux causes des maux et non à leurs effets (1), si la "transformation écologique" de la ville engagée par certaines municipalités (nous pensons par exemple à Strasbourg ) est une éventualité pour économiser de l'énergie ce qui est logiquement raisonnable... nous pensons que  l'hâbitat traditionnel (utilisant les matériaux naturels de la région) est de loin plus respectable de la nature, et des traditions qui créent les différences et font  le charme des régions, mais tout semble être question  d'intérêts...de prétextes quelquefois...menant toutefois à encore plus de dépenses en ressources ce qui est pour le moins paradoxal.

Pourtant il y a des initatives qui méritent d'être soulignées, et tout particulièrement dans le monde hospitalier , comme le nouveau Centre hospitalier de Marne-La-Vallée (construit sur la commune de Jossigny,  en Seine-et-Marne) apparaît exemplaire en tant que nouvelle structure répondant au concept Haute Qualité Environnementale (HQE).
Le Centre hospitalier économisera sur sa consommation énergétique plus de 20 % ce qui est dans le contexte actuel loin d'être négligeable.

Il est effectivement très important de réduire la consommation d'énergie tout doit être repensé et ceci en fonction des ressources planétaires, dans cette vision globale des choses,  paradoxalement, il apparaît judicieux de promouvoir les hôpitaux de proximité et non de centraliser les structures hospitalières, car ceci contribue  à limiter les déplacements et ainsi d'économiser aussi des carburants, et ...du temps...(vital quelquefois)...

"La Vie Hospitalière" s'étonne particulièrement du double langage des "responsables politiques", des "décideurs" et autres...il est aberrant de parler d'économie d'énergie et de constater un gâchis de l'électricité tout particulièrement la nuit tant pour l'éclairage des voies et espaces publics que pour les zones artisanales et commerciales, bien des économies peuvent être faites et ceci sans pour autant négliger la sécurité publique, des solutions existent pourtant.Certes les initiatives locales en faveur des économies d'énergie sont bien peu de choses par rapport aux gâchis à l'échelle mondiale (quand l'on voit les milliers d'éclairage des grandes villes, des capitales,  il y a de quoi se poser bien des questions sur l'intelligence humaine).
Pendant ce temps nous vivons audessus de nos moyens...mais jusqu'à quand ?

Quant aux gaspillages ils sont non seulement relatifs aux énergies, mais encore à l'alimentation (25 % des aliments partent dans les poubelles), pour les médicaments : 30 % ne sont pas utilisés réellement, pour essayer d'être concis, nous ne terminerons pas sans rappeler  l'exemple de tous ces vaccins  achetés par le gouvernement français et qui ont été détruits, là aussi non seulement il y a une sorte de désinvolture mais encore ceci a coûté des millions d'euros et démontre qu'on peut avoir des responsabilités, faire n'importe quoi,  et  être dans la finalité ni coupable ni responsable (3) ...pas étonnant que notre planète n'a pas une santé mirobolante en ce moment,  rien n'arrête la perfidie...

(A suivre, pour ne pas conclure)



1) Dont la démographie...encore faut-il se pencher politiquement et socialement parlant sur ce problème bien réel car il est évident que 7 milliards d'individus (au 31 octobre 2011, 6 milliards en 1999 soit 1 milliard de plus en un peu plus de 10 années... ) sur la planète est considérable surtout avec un fond de crise économique mondiale qui ne saurait être pris à la légère...



2) La date du "dépassement" était estimée  en 1992  au 21 octobre;
puis au 3 octobre en 2002 et dix ans plus tard, la date a avancé de plus d’un mois. Les ressources produites par la planète sont consommées bien plus rapidement qu’elles ne sont produites dénonce GFN qui compare les besoins croissants de l’humanité à la disponibilité décroissante des ressources.

3) Des millions de doses de vaccins contre la grippe H1N1 ont été détruites pour un coût total d'achat et de destruction de plusieurs centaines de millions d'euros...la dette elle, au moins, se porte bien...et ce ne sont pas ceux qui ont profité de cette situation qui diront le contraire, mais c'est une autre approche des abus de toutes sortes...

lundi 20 août 2012

Les hôpitaux n'ont pas les moyens de faire face à une canicule qui se prolongerait

Patrick Pelloux, Président de l'association des Médecins Urgentistes de France (AMUF), et premier urgentiste à avoir lancé une alerte lors de la canicule de 2003 (15.000 morts), a donné sur l’antenne de BFMTV, ce jour, son analyse du plan canicule de cet été.

(Capture video BFMTV du 19 août 2012)

Il insiste notamment sur le fait qu’il est essentiel de ne pas pratiquer d’activités sportives, ou d’efforts quels qu’ils soient, sous le soleil dans les heures les plus chaudes de la journée. Il estime par ailleurs que " les hôpitaux n'ont pas été suffisamment préparé et qu'il n'y a pas assez de lits ouverts"... insistant sur le fait qu'en cas de canicule prolongée, les hôpitaux ne seraient pas en mesure d’y faire face, faute de moyens, de lits et de personnels.


Rappel des données transmises par l'Inserm en septembre 2003

La canicule de 2003 a entraîné une surmortalité majeure : environ 15 000 décès supplémentaires par rapport à la mortalité prévisible normalement. 
Cette surmortalité observée porte sur la période du 1er au 20 août et correspond à un excès de + 60 % par rapport à la mortalité moyenne.

La surmortalité a été synchrone avec la période de canicule :
    •     élévation significative de la surmortalité le 4 août,
    •      accroissement régulier jusqu'à un pic le 12 août,
    •      amorce de régression le 13 août,
    •      régression rapide dans les jours suivants,
    •      retour à une mortalité normale le 19 août.
 Une surmortalité :
    •     particulièrement élevée, + 70%, chez les sujets âgés de 75 ans et plus,
    •      très importante aussi, + 30%, dans toutes les classes d'âges comprises entre 45 et 74 ans,
    •     de 40 % chez les hommes et de 60 % chez les femmes.
La surmortalité a été très prononcée dans la région Centre :+100 %, et en Ile-de-France : +130 %.
La région Ile-de-France totalise à elle seule près du tiers de l'ensemble de la surmortalité observée en métropole. La surmortalité s'élève à :
    •     + 127 % pour Paris,
    •      + 147 % dans l'Essonne,
    •      + 161 % dans les Hauts-de-Seine,
    •      + 160 % en Seine-Saint-Denis,
    •      + 171 % dans le Val-de-Marne.
Les nombres de décès qui ont eu lieu à domicile et en maisons de retraite ont été multipliés environ par deux par rapport à leur valeur habituelle et les décès en excès sont survenus pour :
    •      42 % dans des hôpitaux,
    •      35 % à domicile,
    •      19 % dans des maisons de retraite,
    •      3 % en clinique privée.

 La plupart des causes de décès sont concernées par la surmortalité.
Dans les cas de surmortalité observés en 2003, les causes directement liées à la chaleur (coups de chaleur, déshydratations, hyperthermies) représentent 28,9 % des décès, les maladies cardio-vasculaires 20,6 % et les maladies de l'appareil respiratoire 7,7 %.

mardi 14 août 2012

Maternité des Lilas : vers une renaissance

Plus d’un an de lutte a été nécessaire pour défendre la Maternité des Lilas (Seine-Saint-Denis), et ainsi maintenir un lieu indispensable à l’offre de soins sur le territoire de santé tant pour la naissance (plus de 1700 accouchements par an) que pour l’orthogénie (1).
Un protocole d’accord a été finalisé en juillet avec le Groupe hospitalier les Diaconesses Croix Saint Simon selon des modalités qui répondent aux principales revendications et permettent de fait le déblocage du projet par l’Agence Régionale de Santé (ARS) permettant les débuts de travaux de reconstruction de l’établissement aux Lilas avant la fin de l’année 2012.

« Nous sommes maintenant certains que la Maternité des Lilas vivra et ce grâce à la mobilisation du personnel, du collectif des usagers, des élus de la municipalité des Lilas, des personnalités politiques et de la société civile, des associations, des syndicats, des médias. »

Le Collectif de défense Place de la Bastille le 2 avril 2011

A noter qu'une réunion se tiendra le lundi 3 septembre 2012, à 18 heures 30 à la salle de réunion.
Ordre du jour:
Présentation du protocole d’accord signé entre le Groupe hospitalier Diaconesses - Croix Saint Simon et  la Maternité des Lilas… calendrier prévisionnel des travaux de reconstruction; préparation du forum des associations de la ville des Lilas; questions diverses…

Souhaitons maintenant la renaissance tant attendue de la Maternité des Lilas qui est exemplaire à plus d'un titre, "La Vie Hospitalière" a remarqué lors des manifestations à Paris pour la défense de la Santé combien les personnels de cette maternité étaient présents pour défendre leur établissement.



1) Le premier centre d'orthogénie fut créé en 1961 par le planning familial à Grenoble (il était illégal jusqu'à la publication de la loi Veil en 1973).

samedi 11 août 2012

Entre miracles et guérisons...

Le Dr de Franciscis, un drôle de médecin face aux miracles de Lourdes

"La procession avance lentement sur l'esplanade des Sanctuaires de Lourdes, long cortège de malades, de handicapés brisés dans leur corps. A leur côté, derrière les prêtres, marche un drôle de médecin italien, homme de foi et de science, le Dr Alessandro de Franciscis.

Je me définis comme le plus inutile médecin du monde, un drôle de médecin que les clients viennent voir pour dire Bonjour, je suis guéri, plaisante cet homme de 56 ans au large front dégarni.

Ce médecin dont le sourire malicieux ne s'efface que lorsqu'il parle de sa foi et de Lourdes est une espèce d'huissier dans l'antichambre entre la maladie et le miracle.

A la tête du Bureau des constatations médicales des Sanctuaires, il est le premier à juger du sérieux des déclarations de ceux qui pensent avoir été guéris grâce à une intervention divine. C'est lui qui décide si leur cas mérite, ou non, d'être examiné plus attentivement pour être un jour peut-être, après de longues années, reconnu par l'Eglise comme une guérison miraculeuse.

Né à Naples, italien par son père, universitaire, et américain par sa mère, le Dr de Franciscis se revendique génétiquement pur Italien du sud (...) fier d'être européen et méditerranéen, mais également citoyen du monde.

Il a découvert Lourdes à l'âge de 17 ans, en tant que brancardier de l'Unitalsi, association italienne au service des pèlerins malades et des handicapés. Pour le jeune Alessandro, ce contact avec ces corps atteints fut un choc: C'est là que j'ai décidé de faire médecine.

Ses études de pédiatrie à Naples, d'épidémiologie à Harvard et de théologie à Rome, l'exercice de sa profession à la faculté de médecine de Naples et ses engagements politiques (député, puis président de la Province de Caserta), ne l'éloigneront jamais de ses engagements humanitaires et de Lourdes, où il n'a jamais raté un pèlerinage de l'Unitalsi en près de 40 ans.

Lourdes, une ville habitée par les malades

Désormais, dans son bureau situé à quelques pas de la grotte de Massabielle, où Bernadette Soubirous a dit que la Vierge lui était apparue en 1858, il recueille et archive les déclarations volontaires et spontanées des personnes qui ont éprouvé un changement radical de leur état de santé et le croient dû à Notre Dame de Lourdes.

Plus de 7.000 cas de guérisons inexpliquées ont été enregistrés à Lourdes depuis 1884.

Le Dr de Franciscis procède à une première évaluation du sérieux de ces déclarations, de la véracité des faits. Il soumet ensuite les cas les plus probants au Bureau des constatations, une institution créée en 1883 et composée de tout personnel soignant (médecins, infirmières...) de passage à Lourdes qui le souhaite, croyant ou non croyant.

Il est le premier étranger à diriger ce bureau.

En 2011, il a reçu 48 déclarations de guérisons, et a accueilli 2.650 médecins qui ont jugé que 16 d'entre elles pouvaient être considérées comme importantes, note-t-il. En 2012, il a déjà rassemblé le Bureau six fois.

Mais pour le seul docteur permanent sur le site des Sanctuaires, le miracle de Lourdes, c'est la présence des malades, le fait que leur présence y soit tout naturellement acceptée.

Je pense être à un carrefour unique car c'est un lieu où les regards sont tournés en priorité vers la personne malade, handicapée (...), on ressent comme nulle part ailleurs la présence physique de leur chair. Et c'est un phénomène qui date des débuts, dès après les apparitions.

Le choc ressenti par le brancardier Alessandro de Franciscis en 1973 à Lourdes reste vif, et il voit aujourd'hui dans l'omniprésence des malades dans les Sanctuaires un signe divin qui dépasse le simple réconfort physique ou l'espoir d'une guérison: Lourdes a déplacé des millions de malades, pour seulement 67 guérisons reconnues miraculeuses.

©AFP


"La Vie Hospitalière" tient à rendre hommage à tous les bénévoles qui emmènent des malades, des handicapés, à Lourdes, bien des personnes hospitalisées, clouées dans leurs lits depuis des années ont ainsi une vision (au moins une fois par an pour les plus chanceux) d'une autre monde que celui restreint de leurs chambres.

Ce que par contre nous regrettons c'est tout le commerce qui s'est installé autour de cette grotte où serait apparue la vierge Marie. On peut croire ou ne pas croire, on peut y croire ou non, il y a toutefois là une incohérence flagrante entre les personnes bénévoles et les autres...dans un lieu où la souffrance et l'espoir se mêlent et où certains exploiteurs apparaissent peu respecteux des lieux...ce ne sont hélas, là, pas des apparences.

©LVH

dimanche 5 août 2012

Une chercheuse de l'Inserm refuse la Légion d'honneur


Une chercheuse, spécialiste des cancers professionnels, a refusée la Légion d'honneur décernée par la ministre du Logement Cécile Duflot pour dénoncer l'indifférence qui touche la santé au travail et l'impunité des crimes industriels.

Dans une lettre adressée à la ministre, rendue publique samedi, Annie Thébaud-Mony, directrice de recherche honoraire à l'Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm), demande à la ministre d'intervenir pour la remise en cause de l'impunité qui, jusqu'à ce jour, protège les responsables de crimes industriels.

Annie Thébaud-Mony, qui est aussi la Présidente de l'association Henri Pézerat (santé, travail, environnement) qui déplore que la crise économique occulte la santé des travailleurs et les questions environnementales,
veut que sa démarche soit un appel tout autant à la mobilisation citoyenne, que vis à vis des parlementaires et du gouvernement, pour que soient respectés les droits fondamentaux à la vie, à la santé, et à la dignité,

"Nous voulons être pris au sérieux lorsque nous donnons à voir cette dégradation des conditions de travail (...), le drame des accidents du travail et maladies professionnelles, mais aussi l'accumulation des impasses environnementales, en matière d'amiante, de pesticides, de déchets nucléaires et chimiques..."

"Cessons les vraies fausses controverses sur les faibles doses. Des politiques publiques doivent devenir le rempart à la mise en danger délibérée d'autrui, y compris en matière pénale"... dit-elle dans sa lettre à la ministre.

Cette spécialiste, également porte-parole de Ban Asbestos France (association qui lutte pour la défense des travailleurs de l'amiante) évoque par ailleurs la sous-traitance et le transfert des risques vers des populations très précarisées (maintenance, nettoyages, gestion des déchets).

La carrière de cette chercheuse a été bloquée pendant dix ans !

Elle plaide pour qu'enfin la recherche sur l'exposition aux cancérogènes au travail soit dotée des moyens financiers publics nécessaires et que les jeunes chercheurs qui s'y adonnent cessent d'être maintenus dans un statut précaire.

Pour "La Vie Hospitalière" cette action menée par Annie Thébaud-Mony  est importante et nous souhaitons que les parlementaires et le gouvernement en place actuellement prennent des dispositions afin que la santé des travailleurs soit mieux protégée dans ce monde où l'argent sert de moyen pour exploiter les gens, tout repose sur une économie qui ne sert pas l'intérêt général mais celui bien particulier d'intérêts privés qui deviennent de plus en plus préjudiciables dans bien des aspects...

Dans le milieu hospitalier on voit combien la recherche du profit est devenue le leitmotiv sans aucun souci des conditions de travail des personnels, sans réelle prise en considération des répercutions sur les patients, tout est calculé, à la limite l'optimisation est la règle quant aux méthodes employées on voit qu'elles mênent jusqu'aux suicides d'hospitaliers, et là nous disons qu'il est temps de tout remettre en ordre.

La santé au travail c'est important, et, que le travail lui même soit à l'origine de pathologie ou y contribue gravement n'est pas sans responsabilités à rechercher, quant aux préjudices subis (causés de manière volontaire ou involontaire) tant pour les personnels que pour les usagers, il est temps d'en faire état et de mener toutes les actions nécessaires pour les dommages causés...

Ci-dessous l'intégralité de la lettre (en date du 31 juillet 2012) qu' a envoyé Madame Annie Thébaud-Mony à la ministre de l’égalité, des territoires et du logement:

"Madame la ministre,

Par votre courrier du 20 juillet 2012, vous m’informez personnellement de ma nomination au grade de Chevalier de la Légion d’Honneur et m’indiquez que vous êtes à l’origine de celle-ci. J’y suis très sensible et je tiens à vous remercier d’avoir jugé mon activité professionnelle et mes engagements citoyens dignes d’une reconnaissance nationale. Cependant - tout en étant consciente du sens que revêt ce choix de votre part - je ne peux accepter de recevoir cette distinction et je vais dans ce courrier m’en expliquer auprès de vous.

Concernant mon activité professionnelle, j’ai mené pendant trente ans des recherches en santé publique, sur la santé des travailleurs et sur les inégalités sociales en matière de santé, notamment dans le domaine du cancer. La reconnaissance institutionnelle que je pouvais attendre concernait non seulement mon évolution de carrière mais aussi le recrutement de jeunes chercheurs dans le domaine dans lequel j’ai travaillé, tant il est urgent de développer ces recherches.

En ce qui me concerne, ma carrière a été bloquée pendant les dix dernières années de ma vie professionnelle. Je n’ai jamais été admise au grade de directeur de recherche de 1e classe. Plus grave encore, plusieurs jeunes et brillant.e.s chercheur.e.s, qui travaillaient avec moi, se sont vu.e.s fermer les portes des institutions, par manque de soutien de mes directeurs d’unité, et vivent encore à ce jour – malgré la qualité de leurs travaux - dans des situations de précarité scientifique.

Quant au programme de recherche que nous avons construit depuis plus de dix ans en Seine Saint Denis sur les cancers professionnels Giscop, bien que reconnu au niveau national et international pour la qualité scientifique des travaux menés, il demeure lui-même fragile, même s’il a bénéficié de certains soutiens institutionnels. J’en ai été, toutes ces années, la seule chercheure statutaire. Pour assurer la continuité du programme et tenter, autant que faire se peut, de stabiliser l’emploi des jeunes chercheurs collaborant à celui-ci, il m’a fallu en permanence rechercher des financements - ce que j’appelle la « mendicité scientifique » - tout en résistant à toute forme de conflits d’intérêts pour mener une recherche publique sur fonds publics.

Enfin, la recherche en santé publique étant une recherche pour l’action, j’ai mené mon activité dans l’espoir de voir les résultats de nos programmes de recherche pris en compte pour une transformation des conditions de travail et l’adoption de stratégies de prévention.

Au terme de trente ans d’activité, il me faut constater que les conditions de travail ne cessent de se dégrader, que la prise de conscience du désastre sanitaire de l’amiante n’a pas conduit à une stratégie de lutte contre l’épidémie des cancers professionnels et environnementaux, que la sous-traitance des risques fait supporter par les plus démunis des travailleurs, salariés ou non, dans l’industrie, l’agriculture, les services et la fonction publique, un cumul de risques physiques, organisationnels et psychologiques, dans une terrible indifférence. Il est de la responsabilité des chercheurs en santé publique d’alerter, ce que j’ai tenté de faire par mon travail scientifique mais aussi dans des réseaux d’action citoyenne pour la défense des droits fondamentaux à la vie, à la santé, à la dignité.

Parce que mes engagements s’inscrivent dans une dynamique collective, je ne peux accepter une reconnaissance qui me concerne personnellement, même si j’ai conscience que votre choix, à travers ma personne, témoigne de l’importance que vous accordez aux mobilisations collectives dans lesquelles je m’inscris. J’ai participé depuis trente ans à différents réseaux en lutte contre les atteintes à la santé dues aux risques industriels. Ces réseaux sont constitués de militants, qu’ils soient chercheurs, ouvriers, agriculteurs, journalistes, avocats, médecins ou autres... Chacun d’entre nous mérite reconnaissance pour le travail accompli dans la défense de l’intérêt général.

Ainsi du collectif des associations qui se bat depuis 15 ans à Aulnay-sous-bois pour une déconstruction - conforme aux règles de prévention - d’une usine de broyage d’amiante qui a contaminé le voisinage, tué d’anciens écoliers de l’école mitoyenne du site, des travailleurs et des riverains. Ainsi des syndicalistes qui - à France Télécom, Peugeot ou Renault - se battent pour la reconnaissance des cancers professionnels ou des suicides liés au travail. Ainsi des ex-ouvrières d’Amisol – les premières à avoir dénoncé l’amiante dans les usines françaises dans les années 70 – qui continuent à lutter pour le droit au suivi post-professionnel des travailleurs victimes d’exposition aux cancérogènes. Ainsi des travailleurs victimes de la chimie, des sous-traitants intervenant dans les centrales nucléaires, des saisonniers agricoles ou des familles victimes du saturnisme...

Tous et chacun, nous donnons de notre temps, de notre intelligence et de notre expérience pour faire émerger le continent invisible de ce qui fut désigné jadis comme les « dégâts du progrès », en France et au delà des frontières du monde occidental.

La reconnaissance que nous attendons, nous aimerions, Madame la ministre, nous en entretenir avec vous. Nous voulons être pris au sérieux lorsque nous donnons à voir cette dégradation des conditions de travail dont je parlais plus haut, le drame des accidents du travail et maladies professionnelles, mais aussi l’accumulation des impasses environnementales, en matière d’amiante, de pesticides, de déchets nucléaires et chimiques... Cessons les vraies fausses controverses sur les faibles doses. Des politiques publiques doivent devenir le rempart à la mise en danger délibérée d’autrui, y compris en matière pénale. Vous avez récemment exprimé, à la tribune de l’Assemblée nationale, votre souhait d’écrire des lois « plus justes, plus efficaces, plus pérennes". En qualité de Ministre chargée de l’Egalité des territoires et du logement, vous avez un pouvoir effectif non seulement pour augmenter le nombre des logements mais légiférer pour des logement sains, en participant à la remise en cause de l’impunité qui jusqu’à ce jour protège les responsables de crimes industriels.

En mémoire d’Henri Pézerat qui fut pionnier dans les actions citoyennes dans lesquelles je suis engagée aujourd’hui et au nom de l’association qui porte son nom, la reconnaissance que j’appelle de mes vœux serait de voir la justice française condamner les crimes industriels à la mesure de leurs conséquences, pour qu’enfin la prévention devienne réalité.

Pour toutes ces raisons, Madame la ministre, je tiens à vous renouveler mes remerciements, mais je vous demande d’accepter mon refus d’être décorée de la légion d’honneur. Avec l’association que je préside, je me tiens à votre disposition pour vous informer de nos activités et des problèmes sur lesquels nous souhaiterions vous solliciter.

Je vous prie d’agréer, Madame la ministre, l’expression de ma reconnaissance et de mes respectueuses salutations"





Nous rappelons un texte récent que nous avons publié sur le mal-être et ses conséquences qui peuvent être désatreuses, en effet, les conditions de travail sont de plus en plus difficiles et il est grand temps d'agir pour que cessent ces orientations purement politiques dictées au nom du profit et d'intérêts privés,  qui ne respectent aucunement la dignité humaine, et vont jusqu'à détruire  les fondements de notre système pour leurs seuls intérêts.


"Il n'existe pas d'autre voie vers la solidarité humaine que la recherche et le respect de la dignité individuelle."


(Lecomte du Noüy)




mercredi 1 août 2012