"La Vie Hospitalière"

mercredi 24 octobre 2012

Surirradiés : prison ferme requise contre les médecins et le radiophysicien d’Épinal



Des peines de prison ferme contre les deux anciens médecins de l'hôpital Jean-Monent à Épinal et leur collègue radiophysicien ont été requises, hier, au procès du plus grave accident de radiothérapie (1) recensé, à ce jour...

Ainsi entre 2001 et 2006, près de 450 patients de l'établissement traités pour des cancers de la prostate ont été victimes de surdoses de radiation causées par deux dysfonctionnements du service de radiothérapie d'Épinal qui valent à ces praticiens d'être jugés devant le tribunal correctionnel de Paris depuis un mois.

Les deux vice-procureurs  ont mis en exergue la responsabilité du radiophysicien -chargé du paramétrage des appareils- coupable à leurs yeux par sa négligence inadmissible, d'homicides et blessures involontaires, non assistance à personne en danger et destruction de preuves.

Trois ans de prison dont un an ferme et une interdiction d'exercer la radiophysique médicale ont été réclamés.

Ces réquisitions sanctionnent une cascade d'erreurs due à la désinvolture, au manque de conscience professionnelle et de bons sens de ce spécialiste de physique médicale qui avait initié en mai 2004 un changement de protocole de radiothérapie destiné à améliorer le confort des patients.

Lors de ce changement, une erreur de paramétrage des appareils a entraîné la surirradiation d'un premier groupe de 24 patients.

Parce que c'est à lui seul qu'incombait de mettre en oeuvre cette modification du protocole, d'informer les médecins de ses travaux et de former les manipulatrices, le ministère public estime prépondérant son rôle dans ce premier accident, tout comme dans le second: l'absence de prise en compte, dans le calcul final des radiations, des doses délivrées lors des contrôles radiologiques précédant le traitement lui-même.

Cacher la vérité

Les représentantes du parquet n'ont retenu à l'encontre des deux anciens radiothérapeutes d'Epinal, que les infractions de non-assistance à personne en danger et destruction de preuves pour le suivi défaillant de leurs patients, et pas le chef d'homicides et blessures involontaires.

Mais elles ont prononcé une charge très sévère contre leur volonté de cacher la vérité aux victimes, dont douze sont décédées aujourd'hui. Et leurs réquisitions sont au final plus lourdes que pour le physicien: quatre ans de prison dont 18 mois ferme et une interdiction d'exercer.

Au lieu d'écouter et de sauver les malades, ils ont voulu se sauver eux-mêmes, allant jusqu'à se faire complices de modifications de dossiers médicaux pour dissimuler les preuves des surdoses.

Les victimes ont été abandonnées à leur triste sort et condamnées à l'errance médicale, a fustigé le parquet, faute d'être correctement informées des accidents qui leur ont valu des atteintes irréversibles du système digestif, urinaire et rectal, transformant en calvaire le quotidien de nombre d'entre elles.

Trente mille euros d'amende ont aussi été requis contre ces trois prévenus.

L'infraction de non-assistance à personne en danger vaut également pour les autorités de santé locales, à la passivité coupable, selon le parquet: douze mois avec sursis ont été réclamés contre l'ex-directrice de la DDASS des Vosges et l'ancien directeur de l'Agence Régionale d'Hospitalisation (ARH) de Lorraine...

La relaxe a toutefois été réclamée pour l'ancienne directrice de l'hôpital d'Épinal, dont le parquet a salué la réactivité face à l'accident, et pour l'établissement lui-même jugé au titre de personne morale.

(Source : AFP)

1) Pour rappel l’Association pour la Protection contre les Rayonnements Ionisants (APRI) était intervenue auprès de l’ASN (en 2005) afin que les résultats de l’enquête soient publiés en toute transparence.
Le Groupement des Scientifiques pour l’Information sur l’Énergie Nucléaire (GSIEN) en avait fait état sans tarder,  (avisé par l’APRI).
Pour une raison que l'on n'explique pas l'IRSN a été alertée qu'en juillet 2006 (voir rapport de l'ASN à ce sujet) ?...
L’APRI a dénoncé aussi le fait que les personnels des services de  radiothérapie travaillent en flux tendu ce qui peut entraîner des erreurs. Ce constat ne semble pas avoir été pris sérieusement en considdération, car suite aux restructurations liées à la médecine nucléaire et décidées par des ARS dont l’ARS d’Ile-de-France, il est évident que nous allons vers une rentabilité optimum des services de médecine nucléaire, dont la radiothérapie (qui sont de plus en plus des services privés au sein même des établissements hospitaliers, le nouvel hôpital de Marne-la-Vallée sera l'exemple à ne pas suivre à ce sujet. Les responsabilités seront à prendre en cas d'accident, d'incident, ceci « La Vie Hospitalière » a à plusieurs reprises fait rappel des risques tant pour les usagers que pour les personnels, les contrôles ont été renforcés depuis, mais il y a des situations dont nous avons connaissance qui font que nous sommes en droit de nous interroger sur la portée réelle de ces contrôles.

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